Inconvénients de la chirurgie en cabinet libéral :

Gestion per-opératoire et post-opératoire des complications :

Les complications post-opératoires après une extraction dentaire seront les mêmes en cas d'extraction en cabinet libéral ou en chirurgie ambulatoire. Cependant leur gestion peut s'en trouver changée et prendre de plus grandes proportions en cas d'hémorragies ou de douleur. La gestion per-opératoire d'hémorragie et de la douleur se trouve grandement facilité en bloc opératoire.

Les complications de type infectieuse se gèrent de la même manière en anesthésie locale au cabinet dentaire qu'en anesthésie générale en technique ambulatoire.

Complications hémorragiques :

Dans les hôpitaux ou cliniques le chirurgien-dentiste a accès à tout un panel de matériaux hémostatiques comme les colles biologiques. Il est également possible de s'en procurer en cabinet libéral mais leur coût étant très important par rapport à leur utilisation sporadique en fait un frein à l'utilisation dans le cadre privé. Le fait d'être en clinique ou hôpital donne accès également aux compétences des chirurgiens généraux.

Complications per-opératoires :

La gestion des complications per-opératoires hémorragiques en cabinet se font la plupart du temps grâce aux moyens hémostatiques classiques avec compressions, sutures profondes, voire coagulation à l'aide d'un bistouri électrique.

Il est cependant possible d'avoir des hémorragies bien plus importantes compromettant l'aptitude à la rue du patient ce qui, en cabinet libéral, est un problème majeur à l'organisation. Or en milieu hospitalier, il est possible de faire intervenir des chirurgiens généraux pour effectuer la ligature de la carotide externe ou son embolisation. Cela reste exceptionnel. [2]

Cette possibilité de gestion des risques hémorragiques per-opératoires fait de l'intervention en cabinet libéral une perte de chance du patient. D’où l'importance d'évaluer le risque hémorragique du patient avant sa prise en charge chirurgicale.

Complications post-opératoires :

Les colles biologiques sont dans leur globalité composées de cyanoacrylates biocompatibles. Plus particulièrement le n-butyl-2-cyanoacrylate qui a montré une réduction significative des saignements post-opératoires en comparaison avec les sutures classiques.

Certaines études montrent même une meilleure fermeture et une meilleure gestion des hémorragies post-opératoires avec les colles biologiques. L'application de deux couches fines de colle sur les sutures ou en application seule en cas de lambeau en V permet d'avoir une réduction des saignements significative. Les recommandations sur les anti-agregants plaquettaires ou sur les anti-vitamines K ne permettent plus de réévaluer le traitement : les colles présentent un bon moyen de gestion du risque hémorragique dans ces cas. Il a été démontré leur efficacité avec des patients présentant un INR (International Noramalized Ratio) élevé.[1]

Une étude portant sur 1280 troisièmes molaires démontre l'efficacité des colles biologiques sur les lambeaux en V et leur apport en gain de temps.[10]

En terme hémostatique, les colles sont supérieures aux sutures dans certaines études portant sur des patients ASA 1. [5]

Il faut différencier ces colles des colles d'origine biologiques (thrombine + fibrinogène d'origine humaine) dont l'utilisation est réservée aux cas graves.

Nous concluons donc que la gestion des urgences hémorragiques en cabinet libéral peut être limitée et donc que les interventions doivent être choisies en fonction de leur difficulté et du risque hémorragique du patient. Dans les cas défavorables, nous précisons une intervention en milieu hospitalisé.

Les complications douloureuses :
Complications per-opératoires :

La gestion de la douleur en per-opératoire au fauteuil se gère par le renouvellement de la solution anesthésique, alors qu'en milieu hospitalier l'épisode douloureux peut être géré par des morphiniques en administration intraveineuse. [3] [4]

Nous pouvons donc dire que les excès de douleurs ressenties par le patient peuvent être gérés facilement en bloc opératoire et plus difficilement en cabinet d'omnipratique.

Complications post-opératoires : [6]

Les douleurs post-opératoires sont grandement diminuées par la Naropéïne® en pratique hospitalière ou en clinique privée. Par contre, cela n'empêche pas le praticien de prescrire des antalgiques, des anti-inflammatoires ou autres pour que le patient soit apte à la rue.

Par contre, en activité libérale, le praticien devra prescrire des antalgiques ou des anti-inflammatoires systématiquement, la solution anesthésique locale de référence étant l'articaïne et ne présentant pas d'effets notables sur la diminution des douleurs post-opératoires.

Selon l'HAS, il faut prescrire en respectant les durées de pharmacocinétique de chaque molécule employée. Ces prescriptions doivent débuter avant que les effets de l'anesthésie ne se dissipent, cela permet de conserver et de prendre le relais de l'analgésie qu'entraîne l'anesthésie. Actuellement, la mention « en cas de douleur » ne doit plus se trouver sur une ordonnance mais il doit y avoir la posologie exacte en fonction de la pharmacocinétique de chaque médicament et le temps de traitement prévu par le chirurgien-dentiste.

En ce qui concerne les germectomies, les douleurs seront classées dans les douleurs modérées à intenses. Ce qui orientera notre choix sera la durée et la difficulté de l'acte, mais également l'expérience du chirurgien-dentiste, et l'état du patient en pré-opératoire. La prescription d'AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) est la première intention. Nous pouvons citer par exemple l'ibuprofène qui est une molécule plus efficace que le paracétamol seul.

Sans oublier qu'il devient anti-inflammatoire au-delà de 800 mg et ne doit pas être prescrit avec un autre AINS. L'association paracétamol et AINS est une association antalgique de choix.

Ensuite, si les douleurs sont plus intenses ou si le chirurgien estime que la douleur sera plus intense, nous passons au palier des molécules types opioïdes comme le paracétamol codéïné.

L'association des opioïdes avec le paracétamol : son efficacité aux dosages appropriés (50 à 60 mg de codéine) est supérieure à celle du paracétamol et comparable à celle des AINS. Cependant les nausées sont un effet indésirable rapporté. Lorsqu’une intolérance aux AINS est prévisible, on privilégiera une association paracétamol-codéine aux doses efficaces pour obtenir une analgésie de niveau équivalent.

Le Tramadol est une molécule antalgique de palier 2 : son efficacité sur la douleur après chirurgie buccale est dose-dépendante. Il est recommandé de le prescrire à la dose de 50 à 100 mg par prise, toutes les 4 à 6 heures, sans dépasser 400 mg/24 h. Des effets indésirables (nausées, vomissements, vertiges, somnolence) peuvent être observés et ils sont dose-dépendants.

Les corticoïdes ne sont pas recommandés seuls mais en association avec les antalgiques : ils ont un effet antalgique modéré en chirurgie buccale, chez les patients présentant un œdème, en tenant compte du risque infectieux et de leurs contre-indications. Ils pourraient être utiles dans la prévention d’apparition d’une neuropathie. [6]

Ils sont recommandés plus par rapport à la prise en charge (et la prévention) de l’œdème inflammatoire (et sa douleur) qu'en tant qu'antalgique.

Facteurs psychologiques :

Selon l'ATIH :

Les données statistiques de l'ATIH pour l'année 2009 comparées aux données de la CNAMTS en 2003 dans le Tableau 1 nous renseignent sur les différences d'indications entre les cabinets libéraux et les praticiens exerçant sous anesthésie générale.

Code CCAM Libéllés Selon l'ATIH an chirurgie ambulatoire sous anesthésie générale (tout établissement confondus) en 2009 Selon la CNAMTS en 2003 en cabinet libéral Pourcentage des actes en ambulatoire Pourcentage des actes sous anesthésie locale
HBGD004 Avulsion d'une troisième molaire mandibulaire retenue ou à l'état de germe 8233 48215 4,10% 48,86%
HBGD018 Avulsion d'une troisième molaire maxillaire retenue ou à l'état de germe 3721 38785 1,85% 39,30%
HBGD021 Avulsion de 3 troisièmes molaires retenues ou à l'état de germe 24182 0 12,03% 0,00%
HBGD025 Avulsion de 2 troisièmes molaires retenues ou à l'état de germe 30773 8934 15,31% 9,05%
HBGD038 Avulsion de 4 troisièmes molaires retenues ou à l'état de germe 134028 2755 66,70% 2,79%

TOTAL 200937 98689 100,00% 100,00%

Nous voyons sur le Tableau 1 que 66,7% des interventions sur les dents de sagesse en 2009 en chirurgie ambulatoire concernent l'avulsion des 4 troisièmes molaires en même temps. Alors qu'en 2003 avec une anesthésie locale en cabinet libéral cette intervention concernait 2,8% des interventions portant sur les troisièmes molaires. Les statistiques confirment la préférence d'indication des chirurgien-dentistes pour l'extraction des quatre troisièmes molaires en une seule intervention sous anesthésie générale. De même, nous pouvons penser que les patients eux-mêmes préfèrent l’exécution des quatre germectomies de dents de sagesses en une seule fois et ceci sous anesthésie générale.

Sous anesthésie locale, le plus grand nombre d'interventions concernant les troisièmes molaires en 2003 concernait, pour 48,9% des interventions, les avulsions de troisièmes molaires mandibulaires. Cela nous indique la prédisposition des patients à accepter les anesthésies locales pour l'avulsion d'une seule dent de sagesse mais également la prédisposition du chirurgien-dentiste à indiquer cet acte.

Gestion du stress par la prémédication sédative :

L'anxiété du patient est bien sur non présente si l'intervention se déroule sous anesthésie générale. La gestion du stress est prépondérante dans la réponse à l'anesthésie, et aux suites opératoires. Également le ressenti du patient, en cas de complications importantes, sera bien meilleur si son stress ne présente pas un facteur aggravant.

Une étude faite sur 57 traitements d'extractions dentaires a prouvé en séparant les groupes en deux que l'anxiété du patient prend une place prépondérante dans la gestion douloureuse de l'acte. Le premier groupe avait un facteur de stress avant l'intervention créant une situation angoissante et le second groupe quant à lui était traité de manière à avoir le moins de stress possible avant le début de l'intervention. Le ressenti des patients a été évalué avec une échelle visuelle numérique de la douleur permettant d'objectiver et de quantifier la douleur. Les résultats sont les suivants : dans le groupe sans facteur de stress le ressenti de la piqure et des douleurs lors de l'extraction ont été bien moins grands que dans l'autre groupe. Ceci prouve bien qu'une bonne gestion du stress pré-opératoire et per-opératoire est un facteur prépondérant à la réussite de la chirurgie sur le point de vue du patient. [8]

Cette étude plaide largement en faveur des prises en charge sous sédation intra-veineuse qui sont plus performantes que les sédations per-os.

Pour les règles de prescription de médicaments sédatifs en cabinet il faut veiller à ce que ce soit des médicaments à prise orale et à demi-vie courte. Il convient de répéter que la surveillance la plus stricte est de rigueur, même pour une prescription courte à faibles doses. Une somnolence, plus ou moins légère, est toujours possible. Le patient ne doit en aucun cas conduire. Le protocole est une prescription débutant la veille de l'intervention et est renouvelée une heure avant l'intervention. Les deux molécules les plus courantes sont les benzodiazépines avec le Bromazépam 6 mg et les antihistaminiques avec l'Hydroxyzine 100 mg. Pour le bromazépam on prescrit chez l'adulte un quart à un demi de comprimé la veille au soir puis un quart à un demi comprimé une heure avant l'intervention. Pour l'hydroxyzine on prescrit chez l'adulte 1 comprimé la veille au soir de l'intervention et un comprimé le matin de l'intervention une heure avant. [9]

L'association d'une prémédication sédative et d'une sédation au protoxyde d'azote peut être employée en privé chez l'adulte depuis l'autorisation de mise sur le marché de systèmes faciles d'utilisation. Cette association permettrait d'avoir un niveau de sédation proche de celle obtenue par sédation intra-veineuse. Mais seule la sédation mono-moléculaire est, à ce jour, légiférée pour le privé, c'est-à-dire en cabinet libéral externe.

  

Notion d'asepsie :

La chirurgie des dents de sagesse peut être pratiquée dans un cabinet dentaire dans les conditions d'hygiène et d’asepsie conformes aux règles de bonnes pratiques et aux précautions standards pour un acte invasif avec projections de liquides biologiques. [7]

Cependant, le respect de ces règles d'hygiène est assez difficile et lorsque le risque hémorragique ou le risque infectieux est trop important nous préconiserons donc de bien évaluer le risque hémorragique et le risque infectieux en pré-opératoire pour ne faire perdre aucune chance au patient.

Cette surveillance de l'asepsie est valable au niveau du patient, du chirurgien, du matériel et du personnel. Le Tableau 2 nous renseigne sur les différences existantes en terme de mise en place d'une chaîne d'hygiène totalement stérile. La conclusion étant que cette chaîne n'est possible qu'en bloc opératoire si l'on veut que la stérilité de tous les éléments cités soit respectée.


Cabinet dentaire Bloc opératoire
Patient Désinfection du site opératoire par bain de bouche Désinfection du site opératoire avec badigeonnage de solutions iodées et maintient de l'asepsie par la pose de champ opératoires
Matériel Stérilisation par autoclave Stérilisation centrale par l’hôpital
Praticien Lavage hygiénique ou chirurgical des mains et pose des gants d'examens, ou pose des gants stériles Lavage chirurgical et gantage stérile obligatoire
Personnel Pas obligatoirement en stérile Obligatoirement habillé en stérile



Bibliographie

[1] Al-Belasy FA & Amer MZ. Hemostatic effect of n-butyl-2-cyanoacrylate (histoacryl) glue in warfarin-treated patients undergoing oral surgery. J Oral Maxillofac Surg (2003) 61: 1405-9.

[2] Bouloux GF & Perciaccante VJ. Massive hemorrhage during oral and maxillofacial surgery: ligation of the external carotid artery or embolization?. J Oral Maxillofac Surg (2009) 67: 1547-51.

[3] Brkovic BMB, Zlatkovic M, Jovanovic D & Stojic D. Maxillary infiltration anaesthesia by ropivacaine for upper third molar surgery. Int J Oral Maxillofac Surg (2010) 39: 36-41.

[4] El-Sharrawy E & Yagiela JA. Anesthetic efficacy of different ropivacaine concentrations for inferior alveolar nerve block. Anesth Prog (2006) 53: 3-7.

[5] Ghoreishian M, Gheisari R & Fayazi M. Tissue adhesive and suturing for closure of the surgical wound after removal of impacted mandibular third molars: a comparative study. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod (2009) 108: 14-6.

[6] HAS Haute Autorité de Santé. Prévention et traitement de la douleur posto-pératoire en chirurgie buccale. (2005) Recommandations pour la pratique clinique.

[7] Ministère de la santé et des solidarités. Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie. Comité technique national des infections nosocomiales et des infections liées aux soins (juillet 2006) deuxième édition: 72p.

[8] Okawa K, Ichinohe T & Kaneko Y. Anxiety may enhance pain during dental treatment. Bull Tokyo Dent Coll (2005) 46: 51-8.

[9] Sixou M. Prescrire en odontologie. Collection JPIO (2005) CdP (Ed.) 107p.

[10] Waite PD & Cherala S. Surgical outcomes for suture-less surgery in 366 impacted third molar patients. J Oral Maxillofac Surg (2006) 64: 669-73.