L'éruption physiologique :

Pour qu'une dent soit en place sur l'arcade dentaire, de nombreux et complexes mouvements sont nécessaires pour qu'elle soit fonctionnelle. [8]

La complexité des mouvements laisse à penser que c'est un des facteurs qui est la cause des problèmes d'éruption des troisièmes molaires. L'iter dentis et le gubernaculum dentaire des deuxièmes et troisièmes molaires rattachent le germe à la lame dentaire et non à la gencive comme pour la première molaire et les autres dents. Ainsi le bourgeon de la troisième molaire serait le bourgeon de remplacement de la deuxième et le bourgeon de la deuxième molaire celui de la première (là s’arrête la comparaison car la première molaire ne se rhizalysera pas physiologiquement). [7]

Le sac folliculaire serait la seule structure nécessaire à l'élargissement du canal osseux de l’éruption, l'iter dentis des anciens ou chemin d'éruption. Il coordonne l’élévation du germe dans ce canal. Il est utile également à l'apposition osseuse en bas de la crypte osseuse. Le sac folliculaire influence, voire coordonne, l’éruption dentaire. [2]

L'éruption non pathologique ou éruption physiologique se décompose en plusieurs étapes avec successivement trois phases : une phase pré-éruptive, une phase éruptive et une phase post-éruptive.

La phase pré-éruptive :

Elle est caractérisée par uniquement les dents elles même, sans interaction avec les mâchoires, ceci avant le début de l'éruption proprement dite. Les molaires permanente, se développent à partir de l'excroissance distale de la lame dentaire. A la mandibule la troisième molaire débute son développement quand la mandibule lui laisse la place et passe d'une inclinaison mésiale à une inclinaison verticale. Au maxillaire la troisième molaire passe d'une inclinaison distale vers une inclinaison verticale, lorsque la place sur la tubérosité est suffisante. Ces mouvements sont une combinaison de deux facteurs : le premier est la rotation du germe et le second est sa croissance sans mouvement vertical. [8]

Cadre10

La phase éruptive :

C'est le mouvement de la dent depuis le lieu de sa formation jusqu'à sa position définitive sur l'arcade. C'est un mouvement axial vers sa position occlusale et gingivo-parodontale fonctionnelles

Ceci, signant l’arrêt de l'inclusion définie au sens général ou l’arrêt du stade de germe au sens large. [5] [6]

Elle se décompose en deux phases : une phase intra-osseuse et une phase extra-osseuse.

Les mécanismes exacts de l'éruption sont soumis à controverse car ils ne sont pas encore totalement élucidés. Malgré cela, la plupart des théories indiquent une cause multifactorielle.

Rôle de la croissance radiculaire :
Formation de la racine proprement dite :

La formation de la racine et son allongement crée une force axiale capable de résorber l'os en occlusal sur la couronne minéralisée. Cette force est suffisante pour initier l’éruption mais n'explique pas totalement le mécanisme de l’éruption. En effet, il a été observé, et notamment sur les troisièmes molaires, des dents avec leur racine totalement formées qui ne sont pas en position physiologique malgré le fait qu'il n'y ai pas d'obstacle anatomique.

Il s'agit vraisemblablement là du vrai trouble pathologique de l'inclusion au sens strict qui ne serait autre qu'un trouble de l'EGF du sac folliculaire.[4] [5] [6]

Nous pouvons dire que la croissance radiculaire n'est pas une cause de l’éruption mais une conséquence. [8]

Des expériences ont montré que, comme déjà dit, des dents sans racine faisaient leur éruption, que certaines dents font leur éruption après la complète formation de leur racine, et également lorsque les tissus de formation de la racine sont enlevés chirurgicalement. [8]

La classification d'Andreassen :

La classification d'Andreassen tient compte du stade d'évolution et de développement des racines. Ce stade est donc en directe relation avec le degré d'éruption et donc le degré d'inclusion. Cette classification peut nous permettre d'avoir une quantification objective de la formation radiculaire et donc du stade e développement du germe dentaire, plus simplement et plus efficacement que la classification de Nolla de 1960.

Le stade 0 correspond au stade initial du développement coronaire. Le stade 1 représente le quart du développement radiculaire. Quand la racine à atteint la moitié de son développement, nous parlons du stade 2. Le stade 3 correspond au développement des trois quarts de la racine, et le stade 4 est lui caractérisé par l'apexogénèse complète de la dent en désinclusion totale naturelle. Le stade 4 correspond à la fin du développement. [1]

En ce qui concerne les germes de dent de sagesse, ce sont les stades 1, 2, et 3 qui seront intéressés par notre étude, c'est-à-dire les trois stades de germes « au sens restreint » et habituel du terme. Certaines études ne considèrent comme germe que le stade 0, donc en référence à un sens encore plus restreint, uniquement coronaire. [3] [4] [5] [6]

Rôle du remodelage osseux : [8]

La preuve la plus significative indiquant que le remodelage osseux est impliqué dans l’éruption des dents à été apporté par l'observation portant sur des chiens : nous observons la conservation du canal gubernaculaire après énucléation des germes sans toucher au sac folliculaire. Nous pouvons même observer une éruption de corps étrangers si nous les plaçons dans le sac folliculaire.

Il y a un remodelage osseux donnant un mouvement axial avec des ostéoclastes en occlusal et une apposition d'os par des ostéoblastes au-dessous de la crypte formée par le germe. Ceci aboutissant à l'éruption de la dent. Mais on a pas de preuve scientifique que l'apposition d'os sur le plancher de la crypte soit le seul mécanisme responsable de l’éruption dentaire.

Rôle du sac folliculaire : [8]

Les recherches montrent une relation entre l'activité cellulaire qui réduit l'épithélium de la lame dentaire et le follicule avec l’éruption. C'est la destruction de la lame dentaire qui entraine la cascade de signaux intracellulaires qui recrutent les ostéoclastes pour le follicule. Le follicule grâce à des substances chimio-attractives est nécessaire à la lyse osseuse et au remodelage osseux participant à l'éruption. Nous pouvons, chez des animaux manquant de facteurs recrutant les ostéoclastes, induire une non éruption des dents à cause du non remodelage osseux. Ces signaux chimiques expliquent la constance des éruptions.

Le follicule au niveau radiculaire ne dégénère pas mais reste en place pour la formation du ligament parodontal.

Rôle du ligament parodontal : [8]

La formation et le renouvellement du ligament est un des facteurs de l’éruption. Ceci grâce aux fibroblastes présent dans celui-ci. Mais il existe des cas ou la dent ne fait pas son éruption alors que le ligament est présent et des cas ou la dent fait son éruption alors qu'elle n'a pas de racine.

Le ligament parodontal serait un co-acteur de l'éruption dentaire physiologique.

Rôle des déterminants moléculaires de l'éruption :

L’éruption dentaire est une continuelle balance entre destruction tissulaire et apposition tissulaire. Les molécules intéressées sont par exemple le transforming growth factor β (le TGFβ recrute les monocytes sanguins qui se transforment en ostéoclastes), l'epidermal growth factor (le EGF augmente l'expression du TGFβ) par exemple.

Le sac folliculaire produit le colony-stimulating factor 1 qui aide à la transformation des monocytes en macrophages et ostéoclastes.

L'organe de l'émail sécrète l'interleukine-1α qui active la résorption osseuse en réponse à l'EGF et induit la production de colony-stimulating factor 1(CSF-1). [8]

C'est le gène c-fos qui est déterminant pour la stimulation de l'activité ostéoclasique. Ceci par l'intermédiaire des CSF-1 et EGF qui activent sa transcription. Il peut avoir un rôle dans l'ankylose dentaire. [9]

Il existe de nombreuses autres molécules impliquées dans la phase éruptive, grâce à celles-ci nous pouvons voir la complexité des rapports entre les cellules et l'intrication des différents facteurs prouvant que nous ne pouvons imputer la responsabilité de l'éruption dentaire, et sa pathologie d'inclusion dentaire, à un seul élément.

La phase post-éruptive :

Le mouvement post-éruptif sera traité en partie seulement. Toutefois il est nécessaire d'en connaître les bases aux vues des problèmes qu'engendrent les dents de sagesses lors de leur éruption. On entend par phase post-éruptive, la phase allant de l’émergence gingivale de la dent à son sertissage gingival définitif et son occlusion définitive. C'est une phase faisant partie à part entière de l’éruption.

On peut la décompenser en trois parties :

L’éruption en corrélation avec la taille des mâchoires :

Cadre7

Il y a des micros mouvements pour réajuster la position des dents en fonction de la taille des mâchoires ceci entre l'âge de 14 à 18 ans. Ces mouvements sont dus à des remodelages osseux dans l'alvéole dentaire. [8]

L’éruption pour compenser le manque d'occlusion :[8]

Ce mouvement est comparable au mouvement de l'éruption en lui même. Notamment les mouvements axiaux au niveau des molaires se font quand les apex sont totalement formés. Cela prouve bien que la croissance radiculaire n'est pas le seul facteur responsable de l'éruption comme vu au chapitre. De plus, cela augmente le rôle du ligament parodontal. Ce mouvement peut être également imputé au dépôt de cément présent autour de l'apex. Ce dépôt n'apparait que lorsque le mouvement éruptif de base est terminé.

L'éruption pour compenser les espaces inter-proximaux : [8]

Nous avons ici plusieurs causes comme les tractions des fibres trans-septales, les forces musculaires et pour les antérieures les forces occlusales.

Influences de l'anatomie sur l'éruption des troisièmes molaires : [7]

Au niveau de la mandibule :

A la mandibule l’accroissement vers l'arrière de l'arc mandibulaire entraine souvent la courbure distale des racines des dents mandibulaires. C'est cet accroissement qui donne la possibilité au germe de faire son évolution comme on le voit sur l'Illustration 2 au chapitre page 1. Sans cet accroissement, les germes des dents mandibulaires n'auraient pas l'espace nécessaire pour faire leur éruption. Il est difficile de prévoir la future inclusion ou enclavement d'une molaire car l'espace disponible au niveau rétro-molaire peut évoluer jusqu'à l'âge de 20 ans dans certain cas, la croissance mandibulaire s'exprimant généralement avec un décalage d'un an en moyenne après la croissance staturale générale.

Au niveau du maxillaire :

Il est classique de dire que son éruption est facilité car l'absence d'obstacle, comme le bord antérieur de la branche mandibulaire qui est un os très corticalisé, offre à cette dent une plus grande laxité dans ses possibilités d'évolution. Ici l'obstacle postérieur est musculo-tendineux. On à donc comme obstacle des muscles, une aponévrose et un ligament :

Il existe donc une véritable sangle musculo-tendineuse qui s'applique sur la face postérieure et latérale de la tubérosité. C'est cet ensemble musculaire qui conditionne l'orientation de croissance de l'os alvéolaire tubérositaire et repousse en avant de façon élastique, la dernière molaire. [7]


Bibliographie

[1] Andreasen JO. Atlas de réimplantation et de transplantation dentaires. (1993) Masson (Ed.) 302p.

[2] Cahill DR & Marks SCJ. Tooth eruption: evidence for the central role of the dental follicle. J Oral Pathol (1980) 9: 189-200.

[3] Favre de Thierrens C, Cantaloube D, Delestan C, Goudot P, Predine-Hug F & Torres J. Les dents incluses, proprement dites : Nouvelle classification médico-chirurgicale odontostomatologique des dents incluses. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés) (2003) Stomatologie/Odontologie, 22-032-A-18: 36p.

[4] Favre de Thierrens C, Casanova M, Chabadel O & Renard E. L’inclusion dentaire (2ième PARTIE) : Aspects physiopathologiques, étio-pathogéniques, paléo-odontologiques, épidémiologiques et médico-légaux. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés) (2003) Stomatologie/Odontologie, 22-032-A-16: 18p.

[5] Favre de Thierrens C, Geider P, Gibert P & Raynaud C. Les dents incluses, au sens large : Nosogénie, sémiologie clinique et rapports anatomo-cliniques ; Classifications internationales des dents incluses en Santé Publique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés) (2003) Stomatologie/Odontologie, 22-032-A-17: 31p.

[6] Favre de Thierrens C, Moulis E, Bigorre M & de La Chaise S. L’inclusion dentaire (1ère PARTIE) : Aspects biologiques, odontogéniques, physiologiques et pathologiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés) (2003) Stomatologie/Odontologie, 22-032-A-15: 10p.

[7] Mugnier A. Embryologie et développement bucco-facial. (1964) Julien Prelat (Ed.) 206-9.

[8] Nanci A. Ten Cate's Oral Histology: Development, Structure, and Function. sixième édition (2003) Mosby (Ed.) 107, 275-98.

[9] Wise GE, Zhao L & Lin F. Effects of epidermal growth factor (EGF) and colony-stimulating factor-1 (CSF-1) on expression of c-fos in rat mandibular molars: implications for tooth eruption. Cell Tissue Res (1996) 284: 1-7.